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Un autre regard sur le rail
19 avril 2019

Cheminots et réseaux sociaux: quelles sont les limites ?

Force est de constater, sur les réseaux sociaux - Twitter en particulier - que certains cadres de l'entreprise SNCF - qui n'occupent guère cette fonction sur les réseaux sociaux - œuvrent pour faire taire des cheminots au lieu de s'astreindre à occuper les fonctions pour lesquelles ils sont, semble t'il, payés. Et faire la police sur Twitter n'est pas un job.
 
Depuis maintenant deux bons mois, des cheminots nous disent avoir eu des remontrances ou des intimidations, quand ce n'est pas des menaces, suite à la publication de propos, de photos, d'opinions, d'informations pratiques aux usagers ou d'auto dérision sur les réseaux sociaux. Certains d'entre eux se sont vus remettre une demande d'explications avec des prétextes fallacieux et très facilement démontables en justice. La seule interprétation des propos n'est pas un motif suffisant pour sanctionner en toute liberté. Fort heureusement, la justice donne raison à la plupart des cheminots sanctionnés à tort et à travers et nous ne manquons pas d'exemples. 
 
Aujourd'hui, nombre d'entre vous nous, lecteurs, se disent inquiets et prennent peur en s'exprimant sur les réseaux sociaux. En réalité, c'est plutôt la direction qui a peur qu'une ou des informations ne filtre(nt) et ne l'éclabousse. La direction, ou du moins certains de ses membres outrepassant leur rôle, souhaite contrôler la communication au budget nettement disproportionné et utilise des moyens d'intimidation relevant parfois de la supercherie. 
Aussi, nous ne sommes pas les derniers à savoir, étant donné le nombre de mails d'intimidation que nous avons reçu en trois ans (depuis les débuts de MLCVR), que la vérité les dérange et les effraie.
 
Quelles sont les limites d'expression des salariés d'une entreprise sur les réseaux sociaux ?

En réalité, il n'y a aucune loi qui délimite précisément la parole des salariés sur les réseaux sociaux. Seules quelques jurisprudences ciblent des cas précis. Et personne n'a le statut de salarié sur les réseaux sociaux. Mais il faut respecter certains principes.
 
-Ne dénigrez pas ouvertement votre entreprise. Exemple: ne pas dire "La SNCF c'est nul", "Ne prenez pas le train", "Nous à la SNCF on bosse comme des nuls" etc... 
 
-N'insultez pas votre hiérarchie directe. Exemple: "Mon DUO est un (nul) (idiot) (bon à rien)..." "Nos chefs sont trop (...)" "Ma RH est une quiche" ... etc... 
Pour qu'il y'ait poursuites, il faut que les personnes visées soient reconnaissables, identifiables. 
 
-N'insultez pas vos collègues et ne dénigrez aucun service de l'entreprise. Respectez le métier de tous. Exemple: nous constatons régulièrement, au sein d'un groupe facebook, que les ASCT y sont dénigrés. Un tel comportement peut vous valoir une sanction. Et il y'a eu des précédents sans appel. 

-Ne vous servez pas des réseaux sociaux pour laver ouvertement, directement, sciemment votre linge sale, pour faire des reproches sur l'attitude ou le comportement de vos collègues. Déontologie oblige.

-Ne divulguez aucune information sur les usagers (fichiers clients), sur les fraudeurs (leur identité), sur les fournisseurs, sur vos collègues... Produire, divulguer de telles informations est une faute grave.

-N'incitez pas à la fraude. Ne donnez pas de techniques de fraude. Ne divulguez pas de méthodes de lutte anti fraude. 

-Ne divulguez aucune information directement susceptible de compromettre la stratégie de l'entreprise ou de porter atteinte à ses intérêts, à son équilibre, ou à l'intégrité de son personnel, de ses fournisseurs, de ses clients.
Les cheminots, comme tous les salariés, sont soumis au secret professionnel sur les projets industriels, commerciaux.... sur la stratégie financière, juridique etc... sur la propriété intellectuelle etc... de l'entreprise. Les référentiels internes doivent rester... en interne. Seules les OS, les élus peuvent les publier.

-N'énoncez pas les procédures de sécurité (hors celles qui s'appliquent sur le RFN, elles sont rendues publiques par l'EPSF) ou de sûreté. Idem, ne donnez pas d'informations sur le déploiement d'équipes SUGE, lutte anti fraude, etc... Les codes d'accès aux bâtiments etc... ne doivent pas non plus figurer sur les réseaux sociaux. Dans tous les cas, l'entreprise devra, le cas échéant, prouver qu'elle a subi un péril, un préjudice, un dommage ...

-Pour le reste, bien entendu, il est impératif de respecter la loi, comme partout. Ni racisme, ni homo phobie, ni diffamation...

-Vos opinions personnelles restent personnelles. A moins que vous occupiez un poste important dans l'entreprise et qu'elles portent une atteinte directe à l'entreprise, elles ne peuvent pas vous être reprochées.

En bref, ne portez pas préjudice à l'entreprise (d'ici à ce que quelqu'un arrive à porter préjudice à la SNCF...) ou à votre hiérarchie.

Quid des relations avec les usagers de la SNCF ?

Par principe, il est conseillé d'éviter d'engendrer sciemment, de démarrer un conflit sur une discussion entamée par une personne se présentant comme usager. Nous ne tolérons d'ailleurs pas les attaques méchantes, directes et gratuites envoyées par des cheminots en réponse à certaines remarques. Mais rien ne prouve que l'interlocuteur est bien usager. Et sur les réseaux sociaux, nul n'est salarié et nul n'est usager. Nul ne représente l'entreprise. Hormis, bien entendu, les comptes officiels de l'entreprise.

Et vos tribulations ?

Vous avez bien sur le droit de raconter vos anecdotes ou de lancer vos coups de gueule sur une situation vécue avec un ou des usagers. A condition de ne pas donner suffisamment de détails pour qu'il soit reconnu par n'importe qui ! Il en va du respect de sa / de leur vie privée. Pareillement, ne tombez pas dans l'insulte gratuite.

Mon chef me reproche quelque chose de posté sur un réseau social, que faire ? 

Si vous respectez les limites, et nous observons rarement de non respect de celles ci, vous n'avez rien à craindre. Faites fi des remarques directes ou indirectes de personnes prétendant exercer un quelconque pouvoir sur les réseaux sociaux. Ou de membres de votre hiérarchie intervenant sur leur demande. Ce n'est qu'intimidation ! A moins d'avoir insulté votre chef de gros (...), d'avoir publié un document détaillant un projet industriel, d'avoir donné le nom du fraudeur que vous avez verbalisé la veille ou d'avoir dit que les agents de tel service sont de gros nuls, vous ne courez aucun danger.
Si les reproches ne se fondent sur rien, contactez une ou des organisation(s) syndicale(s) ou votre assurance juridique (moyen de défense radical et redouté par la direction)

Une dernière chose: dans tous les cas, votre entreprise devra prouver que vous êtes bien l'auteur de tel ou tel propos. Le moyen le plus radical, c'est l'obtention d'une réquisition pour que le réseau social fournisse des informations à la justice. Les réquisitions s'appliquent seulement pour des affaires graves. Exemples: Menace d'attentat. Apologie d'un crime de guerre, négationnisme, racisme, menaces de mort...

Article de Thomas et Kevin. Rédigé avec l'aide de notre appui juridique.


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